Oct 28, 2022 11:50 UTC

Les titres de la rédaction : Mali : Assimi Goïta reçoit Mahamadou Issoufou, ancien président du Niger

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Les analyses de la rédaction :

1. Le Niger de Mohamed Bazoum, dernier vestige de la Françafrique ?

La France vient d’accepter une aide de plusieurs millions d’euros au Niger. Une façon pour Paris de remercier Mohamed Bazoum pour son indéfectible soutien? 

Depuis plusieurs mois, il est devenu le messager de la France. À demi-mot — et même parfois de façon plus franche —, le président nigérien Mohamed Bazoum a critiqué tour à tour l’incapacité de du gouvernement malien à obtenir des résultats efficaces en matière de sécurité et les coups d’État. Bazoum ne s’est également pas privé de déplorer l’inefficacité des paramilitaires russes. 

Une ligne qui ressemble à s’y méprendre à celle de Paris. Il faut dire que, en juillet dernier, le président Bazoum affirmait qu’il était « en train de discuter avec Paris pour redéfinir le redéploiement » des militaires français, après la mise à la porte de Barkhane du Mali. 

Bazoum se posait alors en défenseur de la présence française en Afrique. « Je suis totalement désolé de la campagne qui est menée contre eux. Je veux que les Français soient forts, parce qu’ils ont, avec cet espace du Sahel, une histoire singulière », indiquait même le président nigérien qui assurait être « sûr que le jour où les Français plieront bagage à Gao, ce sera le chaos ». 

En ces périodes de troubles dans la relation entre Paris et les États africains, les sorties de Bazoum valaient bien une récompense. Selon Africa Intelligence, le Trésor français « vient de valider une nouvelle aide budgétaire de 15 millions d’euros en faveur de Niamey ». Dans le même temps, poursuit le quotidien, Paris conforte sa présence militaire dans le pays. 

Outre une présence militaire accrue, sur place, la France a également avancé ses pions au niveau diplomatique, en désignant en septembre dernier un des « Monsieur Afrique » d’Emmanuel Macron, Sylvain Itté, au poste d’ambassadeur de France au Niger. L’ex-envoyé spécial pour la diplomatie publique en Afrique auprès du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères a multiplié les rencontres avec la société civile, il a notamment discuté deux fois avec les représentants du Conseil des Nigériens de France. 

Objectif : éviter que, comme au Mali ou au Burkina Faso, le sentiment antifrançais soit trop présent. Récemment, Emmanuel Macron demandait à ses diplomates que ces derniers deviennent les fers de lance de la lutte contre l’influence russe. Le « narratif, russe, chinois ou turc » fait apparaître l’Hexagone comme « un pays qui fait de la néocolonisation et qui installe son armée sur (le) sol » africain, déplorait alors le président français. 

Problème : en Afrique, Paris perd effectivement de son influence. Et les soutiens d’Emmanuel Macron se comptent désormais sur les doigts d’une main. Outre le Tchad, Paris veut donc miser sur le Niger. Et Bazoum semble être le meilleur allié du chef de l’État français. 

Alors qu’une manifestation se déroulait dans les rues de Niamey mi-septembre, pour dénoncer la présence au Niger de la force française Barkhane chassée du Mali, le président nigérien avait mis la pression sur les manifestants en menaçant opposants politiques et organisations de la société civile d’arrestations. 

 

2. Afrique-Russie-Ukraine : les Africains sont choqués!

L’Afrique « porte la paix et veut rapprocher ces deux pays frères », l’Ukraine et la Russie, a assuré mercredi le président en exercice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, le Bissau-Guinéen Umaro Sissoco Embalo, lors d’une visite en Ukraine. 

Premier président africain à se rendre à Kiev depuis le début de l’opération russe en Ukraine le 24 février, Embalo a rencontré le président ukrainien Volodymyr Zelensky, au lendemain d’une visite en Russie où il s’est également entretenu avec le président Vladimir Poutine. 

« Ce n’est pas juste des engrais, des fertilisants ou de céréales dont l’Afrique a besoin. L’Afrique aussi porte la paix et veut rapprocher ces deux pays frères, qu’on puisse vraiment trouver un chemin pour la paix entre la Russie et l’Ukraine », a dit le président de la Guinée-Bissau, lors d’un point-presse avec M. Zelensky. 

« J’étais hier avec Poutine, et si le président Zelensky et le président Poutine pensent que la Guinée-Bissau et l’Afrique peuvent porter la solution pour la paix, nous sommes les premiers militants pour ça », a-t-il répété. 

« Frère… », a-t-il dit en se tournant vers son homologue ukrainien, « j’ai dit aussi à Poutine, frère, parce qu’un jour ils vont se retrouver, c’est pour cela que nous on est venu porter un message de paix entre nos deux frères. Et on peut faire le pont pour les retrouvailles », a-t-il plaidé. 

Les retombées de l’opération russe en Ukraine dévoilent au grand jour les contradictions entre l’aspiration des pays africains à une autonomie stratégique et la solidarité avec Kiev que réclament les néocolons occidentaux. 

La 8e édition du Forum international de Dakar, conférence de dirigeants et d’experts sur la sécurité en Afrique qui s’est tenue cette semaine, s’est fait l’écho de ces incompréhensions réciproques. 

“L’Afrique n’est pas contre l’Ukraine, il ne faut pas qu’on ait l’impression que les Africains sont insensibles à la situation de l’Ukraine. Ce n’est pas ça du tout”, a assuré l’hôte du Forum, le chef de l’Etat sénégalais Macky Sall, président en exercice de l’Union africaine (UA). 

“Mais les Africains disent qu’au même moment où l’Ukraine est en guerre, l’Afrique est ‘permanemment’ agressée par le terrorisme”, a-t-il argué. 

Il a aussi déploré le manque de solidarité internationale avec le continent face à la crise économique et aux maladies, donnant le ton de beaucoup d’interventions de dirigeants africains. 

“Ça choque les Africains de voir les milliards qui pleuvent sur l’Ukraine alors que les regards sont détournés de la situation au Sahel”, a déclaré à l’issue du Forum l’ex-président du Niger, Mahamadou Issoufou. 

Il a relevé le contraste avec les difficultés rencontrées pour boucler les quelque 400 millions d’euros de budget de la force conjointe anti-terroriste lancée en 2017 par l’organisation régionale G5 Sahel. 

Une disparité dont s’est également ému le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop, représentant du Mali qui s’est retiré des instances du G5 Sahel, trop sensible selon lui aux “pressions françaises”. 

“Pour l’Ukraine où on demande à l’Afrique de prendre position, en quelques jours plus de huit milliards ont été mobilisés”, a-t-il déclaré. “C’est la politique de deux poids, deux mesures. Toutes les vies humaines, noires, blanches, rouges et jaunes se valent”. 

À la même tribune que Macky Sall, la secrétaire d’État française Chrysoula Zacharopoulou a affirmé que la guerre en Ukraine représentait “une menace existentielle pour la stabilité et l’intégrité” de l’Europe. 

“Tous les Européens le vivent ainsi. C’est pour cette raison que nous exprimons aujourd’hui une attente de solidarité à l’égard de l’Afrique” 

Le Sénégal, aux relations fortes avec les pays occidentaux, avait surpris le 2 mars en s’abstenant comme nombre d’autres États africains lors d’un vote de l’Assemblée générale sur une résolution exigeant “que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine”. 

Depuis plusieurs années déjà les États africains cherchent à diversifier leurs partenariats avec d’autres puissances émergentes, comme l’Inde, la Chine, la Turquie, la Russie ou l’Iran et des grandes puissances comme la Chine et la Russie, toutes se posant en partenaires à égalité, souligne des analystes. 

La guerre en Ukraine a reflété, une fois de plus, le deux poids deux mesures de l’Occident tout comme, par exemple, le soutien des États occidentaux à l’Arabie saoudite et sa guerre au Yémen.  

Les Africains sont choqués de voir que les États occidentaux font ce qu’ils veulent et peuvent commettre tous les crimes qu’ils veulent tout en étant à l’abri des sanctions. Les aides faramineuses financières ou en armement montrent que l’Afrique est totalement dénigrée. Certes, l’Ukraine se trouve aux portes de l’Europe, mais ceux qui alimentent le continent européen en ressources naturelles c’est bien l’Afrique ! Et ça, l’Europe a trop tendance à l’oublier. Un simple exemple, en France, une ampoule sur trois est allumée grâce à l’uranium du Niger, alors que tous les Nigériens n’ont pas l’électricité. L’argument du président français, c’est que la France envoie des armes en Ukraine et qu’en Afrique, Paris a envoyé des troupes militaires. Mais il y a une différence entre aider un pays en guerre et occuper le pays !

 

3. Mali : “de quoi a peur la France?” (Diop)  

Lors de son allocution au Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique, le ministre malien des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Abdoulaye Diop, n’a pas raté l’occasion de recadrer la secrétaire d’Etat française Chrysoula Zacharopoulou qui s’était exprimée quelques heures plus tôt sur la transition politique en cours au Mali. Pour Abdoulaye Diop, cette sortie de Chrysoula Zacharopoulou « était politiquement correcte à entendre, mais c’est très loin de la réalité ». Apparemment, les attaques verbales entre le Mali et son ancienne puissance colonisatrice (la France) n’entendent pas s’arrêter de sitôt. Après la passe d’armes spectaculaire avec le représentant de la France à l’ONU en marge du sommet du Conseil de sécurité sur le rapport du secrétaire Général des Nations unies au Mali, le ministre Abdoulaye Diop a de nouveau levé le bouclier contre l’offensive française contre son pays. Si la Française considère que Bamako se « bat pour sa survie », le ministre Abdoulaye Diop a souligné que la seule « survie pour laquelle le Mali se bat, c’est la survie du Mali en tant qu’Etat ». Une survie qui demeure menacée, parce que seulement « la France à la tête d’une coalition internationale est intervenue en Libye » pour des raisons jusqu’à présent inavouées. 

À ses dires, cette intervention en Libye par la France et ses alliés est à la base de la déstabilisation de toute l’Afrique, au-delà des régions du Sahel. 

Donc, que France ne se lamente pas en pompier autour d’une flamme qu’elle a elle-même allumée. « Une défaillance géostratégique monumentale », qualifie-t-il cette opération que la France et ses alliés n’arrivent toujours pas à assumer. 

En outre, pour ce qui concerne le pouvoir de Bamako, « un régime qui a une telle assise populaire n’a pas à s’inquiéter pour sa survie », assure-t-il. 

Sur un autre point de la déclaration de la secrétaire d’Etat française Chrysoula Zacharopoulou, notamment là où elle indique que la France n’entend pas se substituer aux armées africaines, le chef de la diplomatie malienne ne laisse pas passer encore. En réponse, il a rappelé que c’est suite à la décision de l’armée française de bloquer encore les Forces armées maliennes (FAMa) à la porte de Kidal en 2013 après la libération de Tombouctou et de Gao que cette situation d’insécurité règne toujours au Mali. 

Au-delà d’une parfaite illustration que la France se substitue belle bien aux armées africaines, le ministre estime qu’elle s’est ingérée dans les affaires intérieures d’un pays souverain. « Si on vient, on aide dans le partenariat, dans la sincérité, on ne s’ingère pas les affaires des gens. On considère que le peuple malien est notre ami et non une partie des Maliens », a-t-il regretté. 

Le ministre malien des Affaires étrangères Abdoulaye Diop a indiqué mardi que Bamako posait comme condition à une restauration des relations avec la France le respect de sa « souveraineté » et de ses « choix stratégiques ». 

« Le Mali a souhaité que notre souveraineté soit respectée, que nos choix stratégiques et nos choix de partenaires soient respectés, et que les intérêts vitaux des Maliens soient pris en compte », a affirmé M. Diop au 8e Forum international de Dakar, conférence sur la sécurité et la paix en Afrique, pour expliquer la brutale dégradation des relations entre les deux pays qui a conduit les militaires français à la porte en août après neuf ans de présence. 

« Si ces éléments sont observés, le Mali n’a de problème à traiter avec aucun partenaire, y compris la France », a-t-il assuré à des journalistes après une intervention publique au Forum. 

Interrogé sur ses accusations contre la France dans une lettre adressée en août au Conseil de sécurité de l’ONU, dénonçant notamment des « violations répétitives et fréquentes » de l’espace aérien malien par les forces françaises, M. Diop a affirmé que son pays attendait la session spéciale qu’il réclame pour en produire les preuves. 

« Le Mali n’est pas un enfant, nous sommes membres des Nations unies, nous connaissons les règles. Nous avons demandé une session spéciale pour pouvoir discuter de cette question », a-t-il dit. 

« Ceux qui sont en face, de quoi ils ont peur ? Si on n’a pas de preuves, qu’on convoque la session », a lancé le chef de la diplomatie malienne. 

Dans sa lettre, il affirmait que les autorités maliennes disposaient « de plusieurs éléments de preuve que ces violations flagrantes de l’espace aérien malien ont servi à la France pour collecter des renseignements au profit des groupes terroristes opérant dans le Sahel et pour leur larguer des armes et des munitions ». 

« Ce qui est important, c’est vraiment que nos partenaires viennent dans l’état d’esprit de travailler avec nous pour des solutions, ne viennent pas nous dicter des solutions », a par ailleurs déclaré M. Diop. 

Le Mali continue son combat pour défendre sa souveraineté et il continuera jusqu’à ce que cette notion soit intégrée aux différents pays occidentaux comme la France.

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