Hymne national algérien: le torchon brûle entre Alger et Paris
Les propos de la ministre française des Affaires étrangères sur le couplet de l’hymne algérien évoquant la France ont suscité la réaction de son homologue algérien.
L’Algérie a réagi mardi 20 juin aux propos de la ministre française des Affaires étrangères sur un couplet mentionnant la France réintégré à l’hymne national algérien, qui serait pour elle « à contretemps ».
Le ministre algérien des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, s’est dit surpris par l’acte de son homologue française qui s’est permis d’émettre un avis sur l’hymne national algérien.
Le 24 mai dernier, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a signé un décret sur la réintroduction de la référence à la France dans l’hymne national après des décennies. Les Algériens utiliseront désormais l’hymne national dans son intégralité.
Cela a déclenché une réaction violente à Paris, la ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna qualifiant cette décision de « dépassée ».
Y réagissant, Attaf a déclaré dans une interview mercredi 21 juin : « Je suis stupéfaite par le fait que la ministre française des Affaires étrangères ait pensé qu’elle pouvait exprimer une opinion sur l’hymne national algérien. »
Il a ajouté sur un ton ironique : « Elle aurait dû aussi critiquer la mélodie. Peut-être que cela ne lui convient pas. »
L’hymne national algérien a été écrit en 1955 par le poète Mufdi Zakaria dans sa cellule pendant la révolution de libération.
La partie française de l’hymne n’a pas été utilisée depuis 1986 afin d’éviter des problèmes politiques avec Paris, alors que la nation nord-africaine était en proie à des difficultés économiques.
Le couplet dit : « Ô France ! Le temps des palabres est révolu. Nous l’avons clos comme on ferme un livre. Ô France ! Voici venu le jour où il te faut rendre des comptes. Prépare-toi ! Voici notre réponse.
La cheffe de la diplomatie française estime que les couplets appartenaient à une époque révolue qui reflétait un processus de décolonisation.
Ces propos n’ont pas été bien accueillis en Algérie, où ils ont été perçus comme une ingérence dans les affaires intérieures du pays par l’ancien colonisateur.
En fait, la pièce en question n’est jamais vraiment sortie de l’hymne national.
La Constitution algérienne de 2008 stipule également que l’hymne national est immuable.
Le nouveau décret remplace le précédent décret de 1986, selon lequel “l’hymne national, les chants et la musique sont interprétés selon les cérémonies pertinentes”.
La formule ambiguë a permis aux autorités algériennes de supprimer des couplets de l’hymne sans les supprimer réellement.
Ces dernières années, les tensions entre Paris et Alger se sont accentuées. Suite à la dernière flambée, Attaf a déclaré : “Pour certains partis ou hommes politiques français, on a l’impression que l’Algérie est devenue un sujet facile à utiliser à des fins politiques."
Le gouvernement algérien a récemment reporté la visite officielle du président Tebboune en France, prévue en mai, qui devait remettre les relations sur les rails.
La brouille est devenue évidente depuis février, lorsque le gouvernement algérien a accusé la France d’avoir aidé Amira Bouraoui, une activiste franco-algérienne, à fuir le pays vers la Tunisie voisine puis vers la France.
Les autorités françaises sont intervenues par l’intermédiaire de l’ambassade en Tunisie pour empêcher Bouraoui, l’un des principaux représentants du mouvement de protestation Hirak, d’être extradé vers l’Algérie.
Le ministère français des Affaires étrangères a déclaré à l’époque que Bouraoui ayant la nationalité française, ‘les autorités ont fait usage de leur protection consulaire’.
L’action a été considérée par Alger comme une ‘violation de la souveraineté nationale’ et le gouvernement algérien a décidé de rappeler son ambassadeur Saïd Moussi, de Paris ‘avec effet immédiat’.
La France fut un ancien colonisateur en Afrique. Après des années de colonisation pure et simple, elle cherche toujours à contrôler des pays répartis sur plus de 12 territoires et traite leur peuple comme des citoyens de seconde zone.
La France a mené plus de 50 interventions militaires en Afrique depuis 1960, lorsque bon nombre de ses anciennes colonies ont obtenu leur indépendance nominale.