Autoritarisme français : faire taire les voix musulmanes (rapport)
Divers intellectuels et groupes de défense des droits civiques ont mis en garde contre la tendance anti-musulmane croissante au sein du gouvernement français.
Le 24 juillet, la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale (US Commission on International Religious Freedom) a publié un rapport alarmant sur les préoccupations actuelles en matière de liberté religieuse dans l’ensemble de l’Union européenne. Parmi les nombreux pays évoqués, un figure en bonne place : la France, notamment en ce qui concerne son traitement des musulmans.
Le pays est mentionné pour les restrictions sur les tenues religieuses, le traitement juridique des soi-disant sectes, la tristement célèbre « loi contre le séparatisme », qui vise à faire respecter les « valeurs françaises », et les dispositions nouvellement imposées qui infligent aux chefs religieux des amendes exorbitantes et menacent de fermer leurs lieux de culte s’ils incitent les gens à saper la loi française.
Encore une fois, des terminologies flexibles sont utilisées, qui peuvent facilement être utilisées abusivement par les autorités de l’État pour faire pression sur des personnes considérées comme désagréables par le gouvernement français.
Pendant ce temps, divers intellectuels et groupes de défense des droits civiques ont mis en garde contre la tendance anti-musulmane croissante au sein du gouvernement français.
Le groupe britannique de défense des droits civiques CAGE, qui était l’un des rares à faire la lumière sur la politique d’obstruction systématique de la France à l’égard des musulmans, a documenté comment le gouvernement français a créé 101 unités dans tout le pays pour surveiller l’islam et les musulmans, plaçant 23 996 organisations et entreprises musulmanes sur une liste noire secrète. Il faut rappeler aussi la fermeture de 672 organisations et entreprises appartenant à des musulmans et la saisie de 45 572 000 euros.
Avec cette politique, la France s’aligne sur d’autres États autoritaires, dont les dirigeants bénéficient des plus hautes formes de reconnaissance de l’État. La France entend d’une part contrôler l’infrastructure religieuse pour la rendre asservie à ses propres objectifs politiques, tandis que d’autre part, elle réprime tout acteur religieux indépendant par crainte d’une éventuelle opposition.
Lorsque récemment, le directeur de campagne de CAGE, Mohammad Rabbani, a tenté de se rendre en France à la suite de l’assassinat par la police de l’adolescente Nahel Merzouk, qui a conduit à des manifestations massives dans tout le pays, il a été détenu à Paris pendant près de 24 heures et renvoyé à Londres.
Le ministère français de l’Intérieur a prétendu que « compte tenu de la menace terroriste particulièrement élevée, sa présence sur le territoire national constituerait une menace grave pour l’ordre public et la sécurité intérieure de la France ».
Le ministère français de l’Intérieur a en outre accusé Rabbani de faire partie d’un « mouvement islamiste radical » et de « diffusion de propos diffamatoires » sur « une supposée “persécution islamophobe” et une surveillance de masse par les gouvernements occidentaux, dont la France ».
En d’autres termes : la critique de la politique française est ripostée par une interdiction d’entrée.
Cette utilisation extensive de la législation antiterroriste témoigne de l’autoritarisme croissant qui accompagne l’expansion de l’État de sécurité. Il s’agit ici de plusieurs libertés que l’État français prétendrait normalement défendre et se targue de défendre : liberté de pensée, liberté d’expression, liberté de déplacement et liberté de réunion. Mais où est la démocratie, quand ces libertés sont perdues ?
Et le problème est plus profond : en 2015, le gouvernement a proclamé l’état d’urgence, qui autorise des mesures exceptionnelles et a fait des contrôles antiterroristes la nouvelle norme. Ces mesures exceptionnelles ont été intégrées dans le système judiciaire ordinaire en octobre 2017, concentrant ainsi un pouvoir énorme entre les mains du gouvernement en dehors des freins et contrepoids habituels du système de justice pénale.
Rien qu’en mai 2023, le ministre français de l’Intérieur Gérald Darmanin a déclaré, lors d’une visite aux États-Unis pour discuter du terrorisme, que « pour les Européens et pour la France, le principal risque est le terrorisme». Mais comme l’indique le rapport de la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale, les revendications européennes de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme affectent clairement « les activités non violentes ».
La référence à la défense des valeurs nationales ou européennes se fait souvent passer pour une manière impartiale de lutter contre la violence, tout en discriminant en fait les groupes les plus vulnérables tels que les musulmans en Europe.
Ainsi, la lutte contre le terrorisme devient un prétexte sous lequel les musulmans sont discriminés. Les mesures antiterroristes ont un impact remarquable sur les musulmans, comme l’ont montré par le passé des études de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA). Ces mesures ciblent les musulmans de manière disproportionnée, comme l’indique la FRA dans son rapport.