Tunisie: la fin du "frérisme"
Le juriste Sadok Belaïd, chargé de la rédaction d’une nouvelle Constitution en Tunisie, présenterait au chef de l’État, Kaïs Saïed, un projet de charte expurgée de toute référence à l’islam pour combattre les partis qui -selon ses propres termes- abusent de la religion à des fins intéressées et politiques.
Le premier chapitre de la constitution tunisienne, rédigé en 2014, souligne que « la Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l’Islam est sa religion, l’arabe sa langue et la République son régime ».
L’économiste maghrébin, Sadok Belaid est un juriste et professeur émérite tunisien spécialisé notamment dans les affaires constitutionnelles qui a été nommé par le président Saïed le 20 mai pour superviser un comité chargé de préparer un projet d’amendement à la constitution.
Il a appuyé son projet par le fait que 80 % des Tunisiens s’opposent à l’extrémisme (de certains partis politiques actifs en Tunisie).
« 80 % des Tunisiens sont contre l’extrémisme et contre l’utilisation de la religion à des fins politiques. C’est précisément ce que nous allons faire tout simplement gommant l’article 1 dans sa formule actuelle », a dit l’universitaire âgé de 83 ans, rapporté par la chaîne al-Jazeera ce mardi.
Lorsqu’on lui a demandé si cela signifiait que l’islam ne serait pas mentionné dans la nouvelle constitution tunisienne, il a répondu : « Il n’y aura pas. Il y a possibilité que l’on efface l’article 1er dans sa version actuelle ».
« Si vous utilisez la religion pour faire de l’extrémisme politique, eh bien, nous l’interdirons », a affirmé M. Belaïd, un universitaire âgé de 83 ans.
« Nous avons des partis politiques qui ont les mains sales et bien que vous le veuillez ou non messieurs les démocrates français ou européens nous n’accepterons pas dans notre démocratie des gens sales », a-t-il encore dit.
Le 25 juillet 2021, M. Saïed, élu démocratiquement fin 2019, a suspendu les activités des pleins pouvoirs en limogeant le Premier ministre et en suspendant le Parlement avant de dissoudre l’assemblée fin mars.
Dans une feuille de route censée sortir le pays de la crise, le président tunisien a annoncé un référendum sur une nouvelle Constitution le 25 juillet 2022, avant des législatives le 17 décembre.
Le projet devrait être soumis au référendum prévu fin juillet. Le doyen affirme, toutefois, que son rôle n’est que consultatif et que le projet qu’il soumettrait pourrait faire l’objet de modifications.
Le projet de la nouvelle constitution devrait être économique par excellence selon une déclaration du doyen aux médias.
Les différents groupes de travail du comité des affaires économiques et sociales avaient été appelés à soumettre leur vision pour une Tunisie dans 40 ans et sa traduction dans la constitution dans un délai ne dépassant pas 72 heures, et ce depuis samedi dernier.
Par ailleurs, Sadok Belaïd a rappelé que la mission de ladite commission se limite à la consultation soulignant qu’il soumettra au chef de l’État un projet de Constitution qu’il pourra soit modifier soit garder tel quel pour le présenter au référendum. Et de poursuivre que le travail qui sera effectué par la commission comportera deux volets : l’un sera exécuté par le comité juridique et l’autre par le comité économique et social.
Certains partis tunisiens ont qualifié les décisions du Chef d’État de « coup d’État contre la Constitution ». Pendant ce temps, certains autres partis tunisiens estiment que cette étape consiste à « corriger le processus de la Révolution de 2011 » dans le pays. Cependant, M.Saied estime que ses actions sont « des mesures dans le cadre de la Constitution et pour protéger le pays d’un danger imminent ».
Saied a dissous le chien de garde judiciaire, l’accusant d’être partial et corrompu. Cette décision a suscité des critiques nationales et internationales.
Le président tunisien a notamment rejeté l’ingérence étrangère suite à sa décision de dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature du pays et indiqué qu’« il faut plutôt s’inquiéter de l’absence de justice en Tunisie ».
Kaïs Saïed avait récemment appelé certains pays et organisations qui ont critiqué sa décision de dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature prise dans le cadre de ses « actes forts » pour une « purge anti-corruption », à faire attention à leurs positions… « car la Tunisie n’est pas un verger ou un jardin, mais un État souverain qui œuvre pour une société de droit. »