RDC: 48 morts dans la répression d’une manif anti-ONU
Au moins 48 personnes ont été tuées dans la répression d’une manifestation anti-ONU dans l’est de la RDC, selon des sources et des documents officiels examinés jeudi par l’AFP.
Mercredi, des soldats congolais ont empêché une secte religieuse d’organiser une manifestation contre les soldats des Nations unies dans la ville de Goma.
Selon des sources locales, une dizaine de personnes auraient été initialement tuées après l’entrée des troupes dans une station de radio et un lieu de culte. Un policier a également été tué lors de ces violences.
Mais un document interne de l’armée consulté jeudi par l’AFP et vérifié par les forces de sécurité fait état de 48 personnes tuées dans l’incident, en plus du policier tué et de 75 personnes blessées.
Le document indique également que les soldats ont saisi un certain nombre d’armes blanches et arrêté 168 personnes, dont le chef de la secte chrétienne-animiste, baptisée « Foi judaïque naturelle et messianique envers les nations ».
Le groupe militant congolais pro-démocratie LUCHA a également déclaré jeudi que le nombre de personnes tuées était « proche de 50 ».
Dans un communiqué jeudi soir, le gouvernement a évalué le bilan à « 43 morts, 56 blessés et 158 personnes appréhendées, dont le chef de la secte ». Il a déclaré soutenir « l’enquête ouverte par l’auditeur militaire... afin que les responsables puissent être traduits en justice ».
Deux clips vidéo non vérifiés circulant sur les réseaux sociaux jeudi semblent montrer des soldats congolais jetant des corps sans vie — certains trempés de sang — à l’arrière d’un véhicule militaire.
« Les forces de sécurité congolaises ont abattu des dizaines de manifestants et en ont blessé des dizaines d’autres », a déclaré Human Rights Watch dans un communiqué.
Les forces de la RDC « semblent avoir tiré sur la foule pour empêcher une manifestation, une manière extrêmement insensible et illégale de faire respecter une interdiction », a déclaré Thomas Fessy, chercheur principal sur le Congo à Human Rights Watch.
L’organisation a déclaré que « les hauts responsables militaires qui ont ordonné le recours à une force meurtrière illégale devraient être suspendus, faire l’objet d’une enquête et être tenus responsables dans le cadre de procès équitables et publics ».
Sentiment anti-ONU
L’est de la République démocratique du Congo est ravagé par la violence des milices depuis trois décennies, héritage des guerres régionales qui ont éclaté dans les années 1990 et 2000.
La mission de maintien de la paix de l’ONU dans la région est l’une des plus importantes et des plus coûteuses au monde, avec un budget annuel d’environ 1 milliard de dollars.
Mais l’ONU fait l’objet de vives critiques dans ce pays d’Afrique centrale, où de nombreuses personnes estiment que les soldats de la paix n’ont pas réussi à prévenir le conflit.
L’année dernière, des dizaines de personnes ont été tuées lors de manifestations anti-ONU dans l’est du Congo, dont quatre soldats de maintien de la paix.
Les dernières violences surviennent au milieu d’un débat en cours sur le moment où la force de maintien de la paix des Nations unies en RDC, connue sous le nom de MONUSCO, devrait quitter le pays.
Inaction perçue
L’année dernière, le président congolais Félix Tshisekedi a déclaré aux médias français qu’il n’y avait aucune raison pour que la MONUSCO reste au-delà de l’élection présidentielle de décembre 2023.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a également déclaré en août que la mission de maintien de la paix en était à sa phase finale. La date de départ reste cependant floue. « La MONUSCO continue d’être au centre du mécontentement et de la frustration de la population face à son inaction perçue », a déclaré Antonio Guterres.
Même si les responsables de l’ONU admettent leur grande frustration, ils affirment également que la MONUSCO fait l’objet de campagnes de désinformation.
La force compte actuellement un effectif d’environ 16 000 hommes en uniforme, principalement déployés dans l’est du Congo, riche en minerais. Les milices continuent d’exercer leur emprise sur une grande partie de la région, malgré la présence de soldats de maintien de la paix.
Un groupe, le M23, s’est par exemple emparé de pans de territoire dans la province du Nord-Kivu depuis 2021.
Plusieurs pays occidentaux, dont les États-Unis et la France, ainsi que des experts indépendants de l’ONU, ont conclu que le Rwanda soutenait le M23 dirigé par les Tutsis. Le Rwanda nie toutefois cela.