La politique d’Alger face à Madrid est admirable (Atwan)
L'éditorial du 16 juin du journal arabophone Rai al-Youm est consacré au conflit algéro-espagnol. L’auteur fait l’éloge de la politique indépendante d’Alger face au duo israélo-occidental.
En introduction, il pose des questions sur la manière dont l'Algérie gère ses récentes tensions avec l'Espagne. Pourquoi l'Algérie n'a-t-elle pas besoin de la solidarité de la Ligue arabe dans son conflit avec l'Espagne ? Les pays du Golfe suivront-ils la même démarche et feront-ils échouer « l'OTAN arabo-israélienne » que Biden veut inaugurer lors de sa visite à Riyad ?
Dans l’article, Abdel Bari Atwan souligne que l'Algérie n'a pas besoin de publier un communiqué démentant ce qu'elle a qualifié de « fausses informations » sur l'échec de ses efforts diplomatiques pour organiser une réunion d'urgence de la Ligue des États arabes pour lui témoigner sa solidarité dans son conflit qui s'aggrave avec l'Espagne. Notamment depuis que la ligue a perdu de son prestige et que sa solidarité peut faire plus de mal que de bien, faute de représentants des Etats arabes.
Une telle coalition arabe, dont le secrétaire général, M. Ahmed Aboul Gheit, n'a même pas osé publier un communiqué condamnant la brutale agression israélienne contre l'aéroport international de Damas, ou toute « agression » israélienne antérieure au cours des dix dernières années, constitue une violation de la souveraineté et des lois des États de la Ligue. « Nous ne pouvons pas nous attendre à ce que la communauté internationale se tienne aux côtés de l'Algérie dans sa crise avec l'État espagnol soutenu par les gouvernements de l'Union européenne », a-t-il noté.
Il a loué l’indépendance de l'Algérie dans ses prises de décision : « Lorsque le gouvernement algérien a suspendu l’accord d'amitié avec l'Espagne, a cessé de lui pomper du gaz par un gazoduc officiel et s'est dirigé vers l'Italie comme pays alternatif, il a pris cette mesure de son propre chef, au détriment de ses intérêts nationaux, et c'est une position qui reflète l'indépendance de la décision. Certains étaient d'accord ou pas, peu importe les raisons et les motivations, nous ne discutons pas de ces raisons, mais plutôt du courage dans la situation. »
« Des pays arabes tels que le Royaume d'Arabie saoudite, les Émirats et le Sultanat d'Oman - et nous ne sommes pas d'accord avec les politiques de normalisation de certains d'entre eux avec Israël, que ce soit ouvertement ou sous la table - ont humilié les États-Unis d'Amérique. Ces pays ont en outre ignoré les demandes américaines exorbitantes d'augmenter les quantités de production à des prix plus bas, et voici le président Biden, le chef de la plus grande puissance mondiale, qui se retire de manière humiliante et se prépare à se rendre à Riyad pour assister à un sommet qui comprend les dirigeants des États du golfe Persique, l'Égypte, la Jordanie et peut-être le Soudan. »
Les États-Unis et l’Europe ont été mis face à leurs faiblesses depuis le début de la guerre en Ukraine. L’économie occidentale souffre de la déflation et de l'inflation de l’énergie et des produits alimentaires.
Atwan fait l’éloge de la politique quasiment unique des Etats arabes envers l’hyperpuissance du monde : « Lorsque les Arabes ont investi leurs revenus pétroliers dans les causes arabes pendant la guerre d'octobre 1973, le prix du baril de pétrole est passé de moins de trois dollars à plus de 17 dollars en quelques mois. Aujourd'hui, alors qu'ils refusent de se soumettre aux pressions américaines, d’augmenter leur production pour réduire les prix en vue de sauver l'économie occidentale, le prix du baril a doublé et atteint 125 dollars. Il pourrait atteindre le prix record de 150 $ dans les semaines à venir, d'autant que les marchés mondiaux ont besoin de trois millions de barils supplémentaires en cette période post-Covid et de consommation accrue. »
De tout cela, Atwan tire la conclusion suivante : « C'est le droit de l'Algérie, et de tout autre pays arabe, d'utiliser le pétrole et le gaz comme arme pour servir ses intérêts, de s’opposer à toute forme de normalisation avec Israël, de prendre parti pour la Russie face à l’Ukraine, et de dérouler le tapis rouge au ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov lors de sa visite dans sa capitale. »