Jiroft : le berceau du monde ? (2)
La civilisation de Jiroft est le centre de production d'objets en chlorite, avant tout des vases. Ceux-ci se retrouvent pour la fin du IVe millénaire av. J.-C. dans un grand nombre de sites sur le plateau iranien, et autour du golfe Persique jusque dans la péninsule Arabique. Tepe Yahya s'était déjà révélé comme un centre de fabrication de ces objets, et les découvertes récentes ont confirmé cela, notamment les tombes livrées aux pillards dans lesquels une quantité considérable d'artefacts en ch

Les objets trouvés dans le site de Jiroft sont plusieurs centaines de vases et d'objets en chlorite, une roche métamorphique locale de couleur grisâtre mais tendre et facile à travailler ; avec eux, des vases en marbre rose, des statuettes et figurines d'hommes et d'animaux en pierre et en métal – le plateau iranien est riche en minerai de cuivre –, des armes, des cachets, des bijoux, de la poterie… Ces objets proviennent de tombes, des vastes cimetières qui s'étalent au sud de Jiroft à proximité des vestiges de cités et de forteresses déjà repérés par les prospections et les premiers sondages et qui paraissent avoir été occupées tout au long du IIIe millénaire av. J.-C. Un problème général de chronologie se pose au Moyen-Orient pour cette période de 3100 à 2300 av. J.-C. dite des « dynasties archaïques » I, II et III ; ces appellations disent assez notre ignorance. Quelques pièces de poterie du butin de Jiroft peuvent être datées de la fin du millénaire par comparaison avec des poteries du Baloutchistan et du Makran ; d'autres sont plus anciennes par comparaison avec la Susiane ou avec des sites du plateau iranien. Pour ce qui est des vases en chlorite, ils ont été recherchés en leur temps comme objets de prestige ; on les trouve, le plus souvent à l'état fragmentaire, sur nombre de sites archéologiques du IIIe millénaire entre l'Euphrate et l'Indus ; le plus souvent hors stratigraphie.

Les archéologues se sont perdus en conjectures sur leur provenance : on a lié leur origine naturellement à la présence de gisements de chlorite ; mais il s'agit d'une roche métamorphique répandue dans les monts du Zagros. Le corpus du matériel en chlorite de Jiroft est dominé par trois types de vases ; des coupes dont l'élégant calice en tulipe est orné de bouquetins et d'arbustes fleuris ; de hauts vases tronconiques à bord éversé dont les parois conviennent au déroulement de combats d'animaux ; de petits pots cylindriques qui se prêtent à la représentation de motifs architecturaux ou géométriques.
Les techniques mises en œuvre à Jiroft pour le tracé et le modelé des figures, la découpe et l'insertion de la nacre et des pierres de couleur, témoignent de l'existence de plusieurs ateliers : certaines conventions du dessin, des mains notamment, pourraient même permettre d'identifier des artistes. Le recours plus ou moins fréquent à des incisions linéaires allant de pair avec un certain fléchissement du style pourrait être interprété comme un signe du passage du temps. Mais dans l'ensemble, le mobilier en chlorite témoigne d'une unité surprenante étant donné les conditions de son ramassage. Il y a homogénéité de la technique, du style et des thèmes.

L'art de Jiroft est un art en pleine maturité ; il a son vocabulaire, sa syntaxe, ses règles. Il a atteint ce niveau d'élégance dont avait déjà fait montre en Iran, mille ans plus tôt, le décor peint des grands boisseaux de la nécropole de Suse ; il témoigne de cette même recherche de qualité qui porte à la stylisation au-delà de l'observation attentive de la nature. Sur le même horizon la Mésopotamie ne connaît guère, en dehors de sa glyptique dont il est souvent difficile d'apprécier la qualité artistique, que quelques œuvres sculptées.