Gundishapour, berceau de la première université du monde au cœur du Khouzistan
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Jun 03, 2025 09:56 UTC
  • Gundishapour, berceau de la première université du monde au cœur du Khouzistan

Pars Today – À 17 kilomètres au sud-est de l’actuelle ville de Dezfoul, au cœur des plaines du nord du Khouzistan, se trouvent les ruines antiques de Gundishapur (ou Jondichapour), une cité qui fut autrefois un grand centre de savoir et de pensée.

Gundishapur fut fondée au IIIe siècle de notre ère par le roi sassanide Chapour Ier, sous le nom de Veh-Andiv Chapour, qui signifie « meilleur qu’Antioche ».

En l’an 260, Chapour Ier remporta une victoire majeure contre l’armée romaine lors de la bataille d’Édesse, dans le sud de l’actuelle Turquie. Cette victoire causa de lourds dégâts à la ville d’Antioche, l’une des principales cités de l’Empire romain à l’époque. L’empereur Valérien fut capturé avec un grand nombre de ses soldats et emmené en captivité par les Perses.

Après sa victoire, Chapour Ier, impressionné par la beauté de la ville d’Antioche, décida de fonder en Iran une cité similaire. Pour mener à bien ce projet, il fit appel aux prisonniers romains, experts en architecture romaine. Il choisit pour l’implantation de cette nouvelle ville un lieu stratégique, ancien point de rassemblement de ses troupes (appelé Nilat). Il y fit construire une cité selon le style architectural d’Hippodamos, un savant grec du Ve siècle avant J.-C.

De larges boulevards rectilignes, des carrefours perpendiculaires, des ruelles parallèles et des bâtiments généralement hauts d’un à trois étages.

 

La ville s’est développée comme un échiquier — un quadrillage régulier inscrit dans la plaine du Khouzistan, dont les rues perpendiculaires formaient une stratégie vivante et dynamique d’espace et de mouvement.  

Pendant des siècles, Gundishapur comptait parmi les sept principales villes de l’ancien Khouzistan. Sa renommée ne tenait pas seulement à sa position stratégique, mais aussi à la fusion des traditions savantes iraniennes, grecques, indiennes et romaines.

Au départ, cette ville fut construite comme une forteresse militaire par Chapour Ier. Grâce à ses terres fertiles et à ses somptueux jardins, elle devint rapidement un centre scientifique et médical. Chapour Ier ordonna la traduction d’un grand nombre de textes médicaux grecs en pehlevi, la langue savante de la cour sassanide.

L’apogée de Gundishapur fut atteint sous le règne de Khosrow Anouchirvan, lorsque y fut construit un vaste hôpital et que l’école de médecine de la ville devint un refuge du savoir et des soins au sein de l’Empire sassanide.

Au Moyen Âge, les savants faisaient référence à Gundishapur comme à un pôle majeur de la médecine et du savoir universitaire.

L’université de Gundishapur : la plus ancienne université du monde

Gundishapur peut à juste titre être considérée comme la première université officielle de l’histoire. C’est là que, pour la première fois, la médecine hippocratique fut enseignée dans un cadre académique. Cette ville accueillait des étudiants et des savants venus de tout le monde antique : des chrétiens nestoriens qui apportaient des traductions syriaques de textes grecs, aux mathématiciens indiens et philosophes grecs.

Dans cette université, une école de médecine unifiée vit le jour, mêlant les savoirs de l’Inde, de l’Iran, de la Syrie et de la Grèce. Même les œuvres de Platon et d’Aristote furent traduites en pehlevi et enseignées sur ordre d’Anushirvan.

Selon les historiens, Chapour Ier, le fondateur de la ville, lance un vaste projet de traduction et fit traduire de nombreux textes médicaux grecs en pehlevi, la langue savante de la cour sassanide.

Au fil du temps, la bibliothèque de Gundishapur devint un véritable symbole de la richesse et de la diversité intellectuelle. Elle abritait et conservait une grande variété d’œuvres, allant de récits légendaires à des textes philosophiques et littéraires majeurs. Parmi les ouvrages les plus célèbres étudiés figuraient le Khodaynameh (Le Livre des Rois), Kalila et Dimna, Les Mille Contes, Le Livre de Sindbad.

C’est dans cette université que des médecins iraniens collaboraient avec des philosophes grecs, des savants de langue syriaque et des mathématiciens indiens. Certains affirment même que Gundishapur a jeté les bases intellectuelles de ce qui allait plus tard s’épanouir à Bagdad, au sein de la célèbre Bayt al-Hikma (Maison de la Sagesse).

Pour la première fois dans l’histoire connue, c’est à Gundishapur que la médecine hippocratique fut officiellement enseignée dans un cadre universitaire. Toutefois, la production intellectuelle de ce centre ne se limitait pas aux arts de la guérison.

Un centre de production de parfums, une industrie textile florissante et même une manufacture royale prospéraient à l’intérieur de ses murs. Avec l’arrivée de médecins et de chercheurs d’élite venus de régions proches et lointaines, Gundishapur connut une véritable période de rayonnement.

Un cœur économique et culturel

Gundishapur n’était pas seulement un centre scientifique. C’est dans cette ville, ainsi que dans la région du Sistan, que furent frappées les monnaies de Yazdgard III, le dernier roi sassanide. On y trouvait également des ateliers de parfumerie, une industrie textile dynamique et des manufactures royales en plein essor.

Déclin et héritage éternel

Aux IXe et Xe siècles, alors que Bagdad connaissait son apogée, Gundishapur s’effaça progressivement du centre de l’attention. Ses bibliothèques, ses amphithéâtres et ses jardins sombrèrent peu à peu dans le silence.

Mais la grandeur de Gundishapur ne s’éteignit pas avec la chute de l’Empire sassanide. Son héritage se prolongea profondément à travers l’époque islamique. La famille Bukhtishu — une lignée célèbre de médecins — demeura pendant plusieurs générations l’épine dorsale intellectuelle de cette tradition.

Aujourd’hui, il ne reste que quelques vestiges dispersés et des ruines effacées de Gundishapur, près des rives du fleuve Karoun — des traces silencieuses qui murmurent encore la grandeur d’un passé lointain.