DCA : le "virage" chinois de Damas?
(last modified Tue, 02 Jun 2020 17:37:00 GMT )
Jun 02, 2020 17:37 UTC
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Imbue de ses récents succès en Libye, la Turquie d'Erdogan continue, au nom de l'OTAN, à préparer sa guerre à Idlib en y renforçant son système de DCA.

 Après y avoir déployé les batteries de MIM-23 Hawk américain, l'armée turque, selon Al-Masdar, vient de déployer un nouveau système de défense aérienne dans la région de Tala al-Nabi Ayoub, soit la plus haute colline d'Idlib laquelle offre des vues sur la montagne Zain al-Abidin près de Hama. Al Masdar n'évoque ni la nature ni le type de la DCA précitée, mais il est bien évident qu'une telle couverture pour une Turquie qui ne possède pas de radars et d'armes d’interception à Idlib, vise à préserver les troupes turques et leurs mercenaires pour la plupart asiatiques et centre-asiatiques des frappes syriennes et russes. 

Au train où vont les événements, le statu quo n'est plus tenable à Idlib, ce qui semble d'ailleurs bien se comprendre du message particulièrement significatif de la Syrie en soutien à la Chine. 

Une source officielle du ministère syrien des Affaires étrangères a souligné lundi que la Syrie appuyait la décision de la 13e Assemblée nationale de la République populaire de Chine, qui comprend l'approbation de la loi visant à améliorer le système des mécanismes juridiques et exécutifs de Hong Kong afin de maintenir "la sécurité et l'intégrité territoriale énoncées dans son cadre juridique", "la promotion du processus de développement", "le renforcement des institutions légitimes" et "la garantie de leur sécurité sur l'ensemble du territoire".

C'est tout ce que souhaite l'État syrien pour Idlib que la Turquie continue à occuper à la faveur d'une trêve qui n'est que l'ombre d'elle-même. Damas a aussi rejeté l'ingérence étrangère dans les affaires de la Chine, en particulier des États-Unis et des autres pays occidentaux, ingérence qu’elle considère comme une "violation flagrante du droit international" et du "principe de la souveraineté des États sur leurs territoires". Le texte souligne aussi qu'aucun pays ou partie "n'a le droit d'interférer dans les affaires intérieures d'États indépendants et souverains".

La Syrie insiste sur l'unité et l'intégrité territoriale de la République populaire de Chine, sa souveraineté sur ses terres, sa sécurité et sa stabilité, et le principe d'une seule Chine, et appelle tous les pays au respect. Les observateurs politiques voient évidemment à travers cette manifestation de solidarité un double message : politique et militaire.  

Le soutien qu’apporte Damas à Pékin renvoie d'abord au rôle axial que joue et que pourrait encore davantage jouer la Chine dans les efforts de plus en plus intenses  de la Syrie et de ses alliés à faire capoter la "loi César", qui sortie des officines US, continue à imposer un blocus total à l'économie syrienne. Défaits sur le plan militaire, les USA et Cie espèrent pouvoir déstabiliser l'État par la porte de l'économie. D'où l'importance que revêt pour Damas, les liens avec Pékin. 

Dans une tribune récente, l'ambassadeur de Chine en Syrie a publié un article dans le quotidien syrien Al-Watan dans lequel il fait allusion aux relations sino-syriennes et plaide pour un renforcement du "partenariat stratégique" de part et d'autre, non sans penser évidemment à l'importance géostratégique de la Syrie et son poids dans le grand projet dit "la route de la soie". L'ambassadeur souligne que depuis le début de la crise syrienne, "la Chine a soutenu le peuple syrien à la fois politiquement et humainement" tout en faisant part de la disponibilité de Pékin à œuvrer pour  "la reconstruction de la Syrie". Or qui dit la reconstruction dit la neutralisation des sanctions US. 

« Nous saluons vivement la stratégie syrienne "vers l'Est" et avons l'intention de coopérer davantage avec la Syrie dans les domaines politique, militaire, économique et social, de participer activement à la reconstruction économique de la Syrie afin que la partie syrienne profite des avantages économiques chinois… Nous préconisons aussi l'échange de nos connaissances à tous les niveaux pour contribuer au rétablissement rapide de la paix, de la stabilité et de la prospérité en Syrie », a-t-il affirmé.

La Chine est largement perçue comme le principal candidat à la reconstruction des infrastructures syriennes gravement endommagées après de longues années de guerre. Mais il y a plus : pour l'Etat syrien, le déblocage de la situation militaire à Idlib, transformée en une poche terroriste composée surtout des terroristes d'origine chinoise et à la solde d'Ankara. Au moment où les Américains continuent à multiplier leur présence sur l'est de l'Euphrate, que ce soit à Hassaké ou encore à Deir ez-Zor, que l'OTAN via la Turque a l'intention de barricader le ciel du Nord syrien y créant sa zone no-fly et qu'Israël continue, au gré de la conjoncture à frapper le territoire syrien, le rapprochement avec la Chine pourrait aussi se traduire par un renforcement de la DCA ou encore de l'arsenal balistique syrien. 

Fin 2019, les sources syriennes ont fait état des négociations en cours entre Damas et Pékin au sujet de la livraison des batteries de missiles HQ-9 chinoises à l'armée syrienne. Deux raisons pousseraient la Syrie à vouloir s’acquérir des systèmes de missile chinois HQ-9 : premièrement, l'armée syrienne n'a pas eu l'occasion d'utiliser ses S-300,  car ceux-ci sont contrôlés par l’armée russe et deuxièmement, Damas entend déployer les HQ-9 chinois à travers tout le pays, y compris la Syrie orientale, couvrant ainsi entièrement l'espace aérien au-dessus du territoire syrien. Après tout c'est à Deir ez-Zor que l'aviation US continue à opérer.