Pourquoi Kissinger demande à Kiev de céder à la Russie ?
(last modified Sat, 28 May 2022 08:14:37 GMT )
May 28, 2022 08:14 UTC
  • Pourquoi Kissinger demande à Kiev de céder à la Russie ?

Henry Kissinger appelle Kiev à céder ses deux Républiques aux Russes. Ses expériences politiques le poussent à avertir l’Ukraine, laissée seule par l’Occident, des retombées néfastes de la guerre en cours.

Pourquoi Kissinger a-t-il averti de la défaite de l’Ukraine face à la Russie et lui demande de se résigner aux demandes russes ? Quelles sont les trois prévisions de la fin de la guerre ? Et pourquoi celle de Lavrov était-elle la plus terrifiante et la plus dérangeante ? Voilà deux questions importantes par lesquelles commence le nouvel éditorial de Rai al-Youm. Ci-dessous, on peut lire la traduction intégrale de l’article rédigé par Abdel Bari Atwan.

La guerre ukrainienne se poursuit et les forces russes avancent selon le plan établi par le président Vladimir Poutine, à savoir la sécession de la région du Donbask dans le sud-est de l'Ukraine, l'établissement de deux républiques indépendantes dans celle-ci (Donetsk et Louhansk), la résistance à tous les projets américains d'annexer 15 anciennes républiques soviétiques à l'OTAN et l'établissement de bases militaires stockant des missiles balistiques.

La première prévision a été annoncée par l'ancien secrétaire d'État américain Henry Kissinger lors du Forum économique mondial de Davos lundi dernier. Ce dernier « a mis en garde l'Occident contre ses tentatives de défier les forces russes en Ukraine à cause des conséquences désastreuses que cela aurait sur la stabilité de l'Europe à long terme ». L'Ukraine « devrait céder certains territoires à la Russie », a-t-il conclu. Une déclaration qui a fait l’effet d’une bombe.

Deuxièmement : Les déclarations faites par le général Mark Milley, chef de l'état-major interarmées américain, lors d'un discours à l'occasion de la remise des diplômes d'un groupe d'officiers de réserve à l'université de Princeton. Il a déclaré : « La confrontation entre les États-Unis d'une part, et la Russie et la Chine de l'autre, peuvent continuer pendant des décennies. La victoire de la Russie signifie la fin de toutes les réalisations depuis la Seconde Guerre mondiale. »

Troisièmement, les propos de Clément Beaune, ministre délégué français chargé des Affaires européennes. Il a estimé que l'adhésion à l'UE à laquelle aspire Kiev prendrait « plusieurs décennies », son adhésion à l’OTAN encore plus.

Toutes ces prévisions sont émises par des hauts responsables militaires et politiques occidentaux, mais ce qu’a dit Kissinger au Forum de Davos est dangereux, en raison de l’influence dont il jouit au sein de l'administration américaine et auprès du président Joe Biden.

Kissinger, qui était à l'origine de la plus grande réussite diplomatique des Etats-Unis à l’époque du président Nixon, qui consistait à contenir la Chine et à l'éloigner de l'Union soviétique, a mis en garde le président Biden contre tout rapprochement russo-chinois. Un tel rapprochement représente une menace pour l’hégémonie mondiale des Etats-Unis.

Mais le démocrate Biden n'a pas suivi ce conseil. En provoquant les Russes, en les poussant à affronter l'Ukraine et à concurrencer la Chine, il favorise leur rapprochement et œuvre sans le vouloir à renforcer la relation entre les deux superpuissances, voire à la formation d’une alliance qui inclurait des superpuissances émergentes comme l'Inde, le Pakistan, l'Iran, le Brésil et le Venezuela.

« Céder des territoires à la Russie », en se référant à la région du Donbask, serait la seule et la moins coûteuse solution à la crise ukrainienne, si les deux véritables parties du conflit - la Russie et les Etats-Unis – décident de s’asseoir à la table des négociations pour éviter une troisième guerre mondiale à caractère nucléaire, comme l'a prédit Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères.

L'administration américaine peine à tirer leçons de ses défaites.

Les forces russes avancent sur le terrain, moissonnant les villes et les ports ukrainiens, capturant des milliers de soldats. Et cela, alors que les capacités aériennes et de défense de l'Ukraine s’amenuisent.

Alors que les forces de l'OTAN se tiennent « au-dessus de la colline » observant de loin la situation, le président Biden hésite à envoyer un seul soldat américain sur le front. Il se contente d'envoyer de l'argent et des armes légères. Par ailleurs, Biden dit être prêt à défendre Taïwan si les forces chinoises veulent l’envahir.

Force est de constater que la prolongation de la guerre en Ukraine déstabilisera et épuisera l'Europe économiquement. Il vaut mieux pour l’Ukraine d’entretenir la neutralité et d'être un pont entre l'Europe et la Russie, conclut Rai al-Youm

 

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