Jiroft: le berceau du monde? (1)
Jiroft ou Sabzewaran est une ville de la province de Kerman, à 230 Km de cette dernière, au Sud-est de l'Iran. Elle est située dans la vallée du Halil Rud à la périphérie Sud de la chaîne de montagne, Barez Jebal.
Elle est entourée de deux rivières. Les montagnes environnantes culminent à plus de 4 000 mètres : leurs neiges assurent une alimentation régulière en eau de la plaine alluviale avec ses jardins et ses palmeraies. C'est aujourd'hui l'un des endroits les plus chauds de l'Iran et du monde. Le nom Jiroft est récemment devenu célèbre dans le milieu de l'archéologie, par les découvertes qui ont été faites dans la région, depuis 2001–2002, de vestiges d'une ancienne cité-royaume enterrée près de la ville actuelle de Jiroft. Le site principal est situé à environ 2 km de la ville et se compose de deux collines, appelées Konar Sandal A et B. Ces découvertes ont amené à la théorie qui propose que les ruines appartiennent à une culture propre à cette région que les spécialistes nomment : La civilisation de Jiroft et qui serait un lien entre la civilisation de l'Indus et les anciens Sumériens au IIIe millénaire av. J.-C. Cette hypothèse n'est pas universellement acceptée.

Cette région semble parfaitement intégrée pour les échanges commerciaux. En particulier du fait de sa position géographique centrale. Vers l'Est, une route devait partir vers le Baloutchistan et la vallée de l'Indus. À l'Ouest, une autre devait mener vers l'Élam et dans sa continuité à la Mésopotamie. Au Nord-est, on devait gagner facilement la route du lapis-lazuli qui traversait la chaine de montagne de l'Hindou Kouch et la ville de Mundigak, puis la Bactriane. Au Sud, l'accès aux côtes du golfe Persique était tout aussi aisé. Les habitants de la région pouvaient donc ainsi facilement exporter leurs productions en échange de divers produits manquant ce qui dut faciliter leur expansion.
Au cours de l'hiver 2000-2001, dans le bassin de Jiroft, un débordement de la rivière Halil et l'érosion de ses berges mettent au jour une tombe ancienne dont le mobilier comprend des vases et objets en pierre grise ornés, de figures humaines et animales en léger relief rehaussé de pierres semi-précieuses : turquoise, cornaline, lapis-lazuli… C'en est assez pour faire un grand remous dans les milieux archéologiques. En 2002 l'exploration scientifique de la région est organisée par l’Organisation iranienne du Patrimoine culturelle. La direction d'un programme de recherche est confiée au professeur Yousef Madjidzadeh qui procède à des prospections et à des sondages en même temps qu'à un inventaire des objets retrouvés ; un catalogue richement illustré est promptement publié à Téhéran.

Près de cent vingt sites historiques ont été répertoriés dans le bassin du Halil Roud, au sud de la province de Kermân. L’un d’eux se trouve à Konar Sandal (sites A et B), deux collines à une courte distance en voiture du centre-ville de Jiroft.
Non loin de Konar Sandal, les inondations de Halil Roud en 2000 ont balayé la surface des sols, découvrant ainsi un autre site se composant d’un grand nombre de tombes anciennes.
Les fouilles de Konar Sandal ont également permis la découverte des ruines d’une ville d’un kilomètre et demi de diamètre. Ces ruines auraient été les demeures des peuples qui habitaient la région en 2200 ou 2300 av. J.-C., époque où une première écriture fut inventée et où les commerçants transportaient épices et céréales, or, lapis-lazuli… le long des routes commerciales qui allaient de l’Asie centrale au Nil, et de l’Indus à la Chine. Les collines ou tappeh situées à Jiroft sont également appelées Ghal’eh koutchak, signifiant "petite citadelle".
Les fouilles archéologiques menées par le professeur Youssef Majidzâdeh ont permis la découverte d’une ziggourat formée de plus de quatre millions de briques de boue et datant d’environ 2200 av. J.-C. Des vestiges et de nombreux objets ont été découverts par les archéologues dans le site de Jiroft, désormais connu comme « le Paradis perdu des archéologues ».
Après les nombreuses découvertes dans la région, le professeur Majidzâdeh a présenté Jiroft comme l’un des berceaux majeurs de l’art. A la suite de cette déclaration, des chercheurs remirent cette théorie en question en raison du fait qu’aucune inscription ni structure architecturale n’avait encore été découverte dans le site. Néanmoins, peu de temps après, son équipe découvrit des inscriptions sur la ziggourat de Konar Sandal, aboutissant à relancer les réflexions sur la nature du site.

Les inscriptions de Konar Sandal sont plus anciennes que l’inscription Inshushinak. Il semble donc qu’il y ait un lien entre les inscriptions découvertes, l’ancienne écriture proto-élamite (apparue environ 2900 av. J.-C. à Suse) et l’ancienne écriture élamite (utilisée environ entre 2250 et 2220 av. J.-C.).
De nombreux archéologues iraniens et étrangers considèrent les découvertes de Jiroft comme le signe de l’existence d’une civilisation aussi importante que Sumer et celle de l’ancienne Mésopotamie. Selon Majidzâdeh, Jiroft pourrait être la ville ancienne d’Aratta, décrite comme une grande civilisation dans une inscription d’argile sumérienne.
Au cours des fouilles, les archéologues ont également découvert une vaste collection de céramiques, des objets domestiques et de grandes statues. En outre, six grands cimetières, un grand centre de produits artisanaux ainsi que de nombreuses structures internes ont été mis au jour dans la zone étudiée. Les recherches se poursuivent néanmoins, et la zone semble loin d’avoir révélé l’ensemble de ses secrets.
À suivre…