Jul 06, 2021 08:02 UTC

« Depuis que le monde a surgi des ténèbres, personne encore, sur Terre, n’a regretté d’avoir consacré sa vie à l’étude », écrivait, il y a 1150, un poète issu du berceau de la civilisation, de la Terre d’Iran, le sultan des poètes. Il s’agit d’Abu Abdullah Rudaki. Le nouveau magazine littéraire « le parfum de l’Oxus », est consacré à celui qui est considéré à juste titre le père de la poésie persane.

Le langage est un monde presque infini, il passe par nombre de voix. Il existe au sein de notre parole une expérience fondamentale enracinée si profondément dans l’emploi des mots qu’elle peut assurer une spécificité commune aux manifestations de la poésie. Plus encore qu’un instrument de communication, l’écriture poétique est d’une façon d’être, une existence. L’écriture ne se sépare jamais de sa matière sonore. Aussi y a-t-il une sonorité qui s’élève au-dessus des mots. La vraie poésie, ce qu’on appelle la poésie authentique, s’adresse directement au poète qui réside en chacun de nous, car nous sommes tous poètes, capables de nous émerveiller, de ressentir une émotion poétique devant un paysage, devant la grandeur et la beauté de la Création. Il revient donc au poète de multiplier en nous les moments d’émotions. Ce qu’il fait par l’éclat de son langage, par la profusion des images qu’il nous offre. Pour apprécier la poésie, n’utilisons pas le savoir, mais demeurons, comme le dirait un Bachelard, dans la minute même de l’image. Et toujours d’après Gaston Bachelard, « Le poète est celui qui a le pouvoir de déclencher le réveil de l’émotion poétique dans l’âme du lecteur. » Jeu de langage, la poésie exprime la beauté, le sublime. Le poète jongle avec les mots, trame les sonorités dans le tissu poétique, harmonise les rythmes pour éveiller en nous ces moments d’intenses émotions que nous vivons en prenant conscience de la beauté qui nous entoure. Fidèle à sa vocation, il nous empêche d’oublier la beauté, perdue dans le tourment du quotidien. Une mission majeure dont le poète assume pleinement, et cela pour la simple raison que la beauté est l’art pur. Elle est ce qui nous console de vivre.

Avant d’entamer notre récit et raconter la vie du sultan des poètes, Rudaki, nous allons faire un peu de géographie et d’histoire. L’Oxus se trouvant au cœur de cette histoire qui n’a en rien aux contes merveilleux, nous essaierons  de le situer  dans l’espace et le temps. Accompagnez-nous dans ce voyage merveilleux au pays de l’Oxus. De ce fleuve légendaire qui naît dans les montagnes du Pamir, traverse  l’Hindo-Kusch puis le désert du Karakoum, avant de former un delta qui se jette dans la mer d’Aral. L’Amou-Daria est formé de la jonction de deux puissants cours d'eau, le Vakhch (qui a donné le nom Oxus) venu du nord-est, c'est-à-dire du Kirghizistan et du Tadjikistan,  et le Piandj venu du plateau du Pamir, à l'est.

Depuis la nuit des temps, foisonnaient, partout sur le vaste plateau iranien, des foyers de l’art et de la littérature, et surtout de la poésie puisant largement dans la culture et  la civilisation d’un peuple dont l’âme s’abreuvait à la source de la poésie. D’un peuple qui, quoiqu’agressé, pillé et même décimé à maintes et maintes reprises, par l’ennemi, renaissait à chaque fois, telle une salamandre, encore plus fort et plus puissant que dans le passé,  de ses cendres. En vérité, les annales de l’histoire ne comptent plus le nombre des invasions qui ont rasé cette terre de civilisation, les conquérants qui, montés sur le cheval, l’ont traversé tel un ouragan, détruisant tout ce qui se trouvait sur leur chemin.

La resplendissante Transoxiane est un des ces foyers, qui ont vu naître sur leur terre des figures érudites des Lettres et de la Science,  apportant leur part dans l’édification de ce prestigieux monument qu’on appelle la culture persane. Notre récit commence donc en Transoxiane, cette contrée qui, comme le dit littéralement son nom, se localise « au-delà du fleuve », et que l’Atlas du monde situe au sein de l’Asie centrale, au-delà de l’Amou, l’Oxus pour les Grecs et les Romains de l’Antiquité. Géographiquement parlant, il s’agit de la région située entre les fleuves Amou-Daria et Syr Daria. L’emploi de ce terme, Transoxiane, de nos jours, implique généralement que l’on parle de la région à une époque antérieure au VIIIe siècle. Cependant le terme reste en usage parmi les historiens occidentaux plusieurs siècles après.

Depuis l’Antiquité jusqu’à la fin du 1er millénaire, la Transoxiane a été habitée par des peuples de langue iranienne, en particulier les Sogdiens, d’où son autre appellation Sogdiane. Au Sud, sur le cours supérieur de l’Amou-Daria, vivaient les Bactriens. Le Khârezm se trouvait au sud de la mer d’Aral, sur le delta de l’Amou-Daria. Située dans la partie sud de la Transoxiane, mais toujours au nord de l’Oxus, Samarkand et Boukhara, les plus importantes villes de la région, étaient sogdiennes, plantées dans des plaines sèches mais fertiles.

Après l’avènement de l’Islam dans cette région au VIIIe  siècle, la région fut appelée Ma wara'un-Nahr (ce qui signifie en arabe « ce qui est au-delà du fleuve »). L’Amou-Daria est désormais appelé le Djeihoun et le Syr-Daria, le Seihoun. Gengis Khan envahit la Transoxiane en 1219 lors de sa conquête du Khârezm. Avant sa mort en 1227, il donna les terres de l'Asie centrale occidentale à son deuxième fils Djaghataï. Cette région devint alors le khanat de Djaghataï. En 1369, Tamerlan, de la tribu Barlas, devint dirigeant sous l'autorité de la dynastie des Djaghataïdes et fit de Samarkand la capitale de son futur empire.

Faute du temps, nous devons quitter les rivages de l’Oxus et interrompre, bien sûr momentanément, ce voyage qui nous a fait remonter les dédales de l’histoire, sur la terre d’Iran. Nous continuerons notre itinéraire dans la prochaine édition du magazine littéraire.

 

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