Jul 06, 2021 08:36 UTC

« Depuis que le monde a surgi des ténèbres, personne encore, sur Terre, n’a regretté d’avoir consacré sa vie à l’étude », écrivait, il y a 1150, un poète issu du berceau de la civilisation, de la Terre d’Iran, le sultan des poètes. Il s’agit d’Abu Abdullah Rudaki. L’année 2008 portera son nom ; c’est l’UNESCO qui en a décidé ainsi, donnant suite à la demande de la RII, l’Afghanistan, le Tadjikistan et le Kazakhstan de célébrer son 1150e anniversaire.

« Depuis que le monde a surgi des ténèbres, personne encore, sur Terre, n’a regretté d’avoir consacré sa vie à l’étude », écrivait, il y a 1150, un poète issu du berceau de la civilisation, de la Terre d’Iran, le sultan des poètes. Il s’agit d’Abu Abdullah  Rudaki. L’année 2008 portera son nom ; c’est l’UNESCO qui en a décidé ainsi, donnant suite à la demande de la RII, l’Afghanistan, le Tadjikistan et le Kazakhstan de célébrer son 1150e anniversaire. 

Nous avons commencé le récit fabuleux de celui qui est considéré comme le père de la poésie persane, sur les rives de l’Oxus, de ce fleuve légendaire de la Transoxiane, qui  sert de décor à notre histoire, ce fleuve qui naît dans les montagnes du Pamir, traverse  l’Hindo-Kusch puis le désert du Karakoum, avant de former un delta qui se jette dans la mer d’Aral. L’Amou-Daria ou l’Oxus est formé de la jonction de deux puissants cours d'eau, le Vakhch (qui a donné le nom Oxus) venu du nord-est, c'est-à-dire du Kirghizistan et du Tadjikistan,  et le Piandj venu du plateau du Pamir, à l'est.

Et nous avons aussi dit que depuis la nuit des temps, foisonnaient, partout sur le vaste plateau iranien, des foyers de l’art et de la littérature, et surtout de la poésie puisant largement dans la culture et  la civilisation d’un peuple dont l’âme s’abreuvait à la source de la poésie. La resplendissante Transoxiane est un des ces foyers, qui ont vu naître sur leur terre des figures érudites des Lettres et de la Science,  apportant leur part dans l’édification de ce prestigieux monument qu’on appelle la culture persane. Nous avons donc essayé, dans la première du « Parfum de l’Oxus », situer Roudaki dans l’aire géographique où il a vu le jour,  vécu et, il est décédé ; et maintenant, après le champ spatial, nous aborderons l’autre dimension de l’existence : le temps ; en d’autres termes après la géographie, vient le tour de l’Histoire.

Tout comme la chose qui s’inscrit par ses horizons dans l’ensemble d’un champ spatial, qui s’étend virtuellement jusqu’à l’infini du monde, le « présent vivant », selon l’expression de Merleau-Ponty de la Phénoménologie de la perception, détient une extension temporelle par laquelle il se déploie en un véritable « champ de présence », avec « son double horizon de passé et d’avenir originaires et l’infinité ouvertes des champs de présence révolus ou possibles ». Et c’est justement cette « profondeur de champ » commune aux horizons de l’objet et de ceux de l’instant qui nous permettra de voir dans la profondeur de l’espace l’allégorie de la profondeur du temps.

La poésie persane puise largement dans la culture et  la civilisation d’un peuple qui, quoiqu’agressé, pillé et même décimé à maintes et maintes reprises, par l’ennemi, renaissait à chaque fois, tel le phœnix de ses cendres, encore plus fort et plus puissant que dans le passé.

A l’époque préislamique, lorsque Alexandre le macédonien franchit à la tête de sa nombreuse armée, les frontières de l’empire perse des Achéménides, pillant et rasant tout ce qui se trouvait sur son chemin, et arrivant à Persépolis, il ordonna d’y mettre feu, il ne parvint, ni lui ni ses successeurs, à détruire la riche culture et la civilisation brillante de cette contrée. Les historiens relatent comment Alexandre donna l’ordre de traduire en grec les livres scientifiques et littéraires de ce pays et de détruire ensuite l’original. Or, pillages et autodafés ne parvinrent pas venir à bout de la culture et de la littérature persanes et les éliminer à jamais du sein des rochers ou des poitrines.

Avec l’avènement de la dynastie sassanide, fondée par Artaxerxés, en 226 de l’ère chrétienne, le plateau iranien connut une autre ère d’épanouissement si intense que, pour bon nombre d’historiens et de chercheurs, les répercussions d’une telle civilisation se faisaient sentir même, durant des siècles, dans la civilisation islamique et son mouvement scientifique qui étaient à leur tour les plus marquants de toute l’humanité. Dans le sillage de la chute des Sassanides, les immenses bibliothèques furent détruites, pourtant il en restait encore des œuvres en pehlevi. L’Arbre assûrique, La Lettre de Jamasb, le mémorandum de Zariran, …ont su survivre les aléas du temps pourarriver à nos jours.

Avec l’avènement de l’Islam et la domination des califes arabes les penseurs et les savants du vaste plateau iranien, adoptèrent la langue et l’écriture arabe et ils commencèrent à traduire les livres persans en arabe. Ces traductions enrichirent encore davantage la culture et la civilisation islamiques. L’arabe fut à cette époque-là la langue des penseurs et des savants. Or, la plèbe et même la quasi-majorité des cours royales en furent privés. Nonobstant, cela ne dura pas pour longtemps. L’émergence des dynasties iraniennes comme les Saffârides et les Samanides insuffla une nouvelle âme dans la langue persane.

Les annales de l’histoire parlent de Yaqoub Leïth Saffâride en tant que premier monarque persophile. Néanmoins, ce fut avec les Samanides que la littérature surtout la poésie persanes postislamiques, connurent leur floraison, le gouvernement de la famille Samân sachant baliser le terrain à l’épanouissement de la littérature persane. C’est justement de cette époque que datent de nombreux ouvrages et de traductions embrassant de vastes chantiers littéraires, historiques et scientifiques. L’ère samanide imprégna profondément la culture iranienne et fut un tournant dans l’histoire de la littérature persane. La traduction en persan de Kalileh wa Dimna est un exemple manifeste de courant culturel. A l’origine sanskrite, cet ouvrage a été à l’époque sassanide, traduit en pehlevi, ensuite en arabe, à l’époque postislamique et peu de temps après, le monarque samanide, Nasr ibn Ahmad  ordonna de le traduire en persan. Et ce fut ensuite au tour de Roudaki de le mettre en vers. Un autre fait marquant du courant littéraire et scientifique de l’époque samanide est la traduction de L’histoire de Tabari, qui occupe une place de choix dans le thesaurus de la littérature persane. La cour des émirs samanides, presque tous des mécènes, restait toujours ouverte  aux savants, comme le grand Avicenne et des hommes de lettres comme Roudaki. 

Fort de l’appui des monarques puissants de la dynastie samanide, Roudaki hissa l’étendard de la poésie persane pour lui redonner sa gloire et sa position d’antan, se distinguant ainsi de ses autres collègues et méritant le nom du « père de la poésie persane ». Après lui, Onsori et Ferdowsi reprirent le relais et continuèrent le chemin que Roudaki avait posé les jalons.

Faute du temps, nous devons quitter les rivages de l’Oxus et interrompre, bien sûr momentanément, ce voyage qui nous a fait remonter les dédales de l’histoire, sur la terre d’Iran et reprendre l’exposé à la prochaine édition.

 

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