Jul 06, 2021 08:39 UTC

Le parfum de l’Oxus s’exhale Le souvenir de l’Ami tendre se ravive Les galets de l’Oxus et ses obstacles me semblent sous les pieds de la soie O Boukhara sois heureux et comblé de joie que l’Emir est ton hôte au ciel la lune rentre

« Depuis que le monde a surgi des ténèbres, personne encore, sur Terre, n’a regretté d’avoir consacré sa vie à l’étude », écrivait, il y a 1150, un poète issu du berceau de la civilisation, de la Terre d’Iran, le sultan des poètes. Il s’agit d’Abu Abdullah  Rudaki. L’année 2008 portera son nom ; c’est l’UNESCO qui en a décidé ainsi, donnant suite à la demande de la RII, l’Afghanistan, le Tadjikistan et le Kazakhstan de célébrer son 1150e anniversaire. Nous avons ouvert, la semaine passée, le nouveau magazine littéraire de la Rédaction française de l’IRIB « le parfum de l’Oxus », consacré à celui qui est considéré à juste titre le père de la poésie persane. Nous avons commencé notre récit fabuleux sur les rives de l’Oxus, de ce fleuve légendaire de la Transoxiane, qui  sert de décor à notre histoire, ce fleuve qui naît dans les montagnes du Pamir, traverse  l’Hindo-Kusch puis le désert du Karakoum, avant de former un delta qui se jette dans la mer d’Aral. L’Amou-Daria ou l’Oxus est formé de la jonction de deux puissants cours d'eau, le Vakhch (qui a donné le nom Oxus) venu du nord-est, c'est-à-dire du Kirghizistan et du Tadjikistan,  et le Piandj venu du plateau du Pamir, à l'est.

Et nous avons aussi dit que Depuis la nuit des temps, foisonnaient, partout sur le vaste plateau iranien, des foyers de l’art et de la littérature, et surtout de la poésie puisant largement dans la culture et  la civilisation d’un peuple dont l’âme s’abreuvait à la source de la poésie. La resplendissante Transoxiane est un des ces foyers, qui ont vu naître sur leur terre des figures érudites des Lettres et de la Science,  apportant leur part dans l’édification de ce prestigieux monument qu’on appelle la culture persane. Nous avons parlé, dans les premières parties du « Parfum de l’Oxus », situer Rudaki dans son aire géographique et historique, et maintenant il est temps de parler du poète, celui qui porte dignement le nom du père de la poésie persane.

L’homme dont le nom signifie « petit ruisseau » en persan dari, Rudaki, est né en 858 dans les environs de Pendjakent, à 200 km au nord de Douchanbé, la capitale du Tadjikistan. Dès l’âge de huit ans, il récitait par cœur le Coran. Plus tard, sa renommée de fin poète et de brillant musicien et chanteur étant parvenue à Boukhara (aujourd’hui en Ouzbékistan), le troisième émir de la dynastie  samanide, une famille  mécènes, Amir Nasr l’invita à sa cour en qualité de poète officiel. Il y passa une grande partie de sa vie au service de la dynastie des Samanides (875-999).

Capitale du premier grand État indépendant du califat arabe, Boukhara était considérée comme le centre de la culture persane. Les Samanides  encourageaient le développement des sciences, de l’architecture et de la poésie écrite en persan. D’après le philosophe, l’écrivain et le médecin persan Ibn Sina ou Avicenne pour les Occidentaux, la bibliothèque de Boukhara recelait « des livres dont nombre de gens ignoraient jusqu’à l’existence ».

À cheval sur deux époques, celui qui fut le poète de la simplicité inaccessible, Rudaki parvint  à fondre dans son art les traditions musico-poétiques préislamiques, le chant persan et des formes radicalement nouvelles de versification arabe. Rudaki s’exprimait et écrivait  en nouveau persan, le dari. Le persan existant jusqu’alors avait, après la conquête de l’Asie centrale par les Arabes et la diffusion de l’islam, passé à la graphie arabe.

Les vers du « sultan des poètes », comme on l'appelait communément, sont pénétrés de sa foi dans la force de la raison humaine, dans la sagesse de l’expérience, dans la volonté de maîtriser le savoir et dans l’accomplissement du bien et de la justice. Le laconisme, la simplicité de son expression poétique ont donné naissance à un nouveau style littéraire, connu sous le nom de style khorasani ou style Rudaki, qui a dominé la poésie persane pendant plusieurs siècles. Encore au Moyen Âge, les érudits qualifiaient le style du poète de simplicité inaccessible

Célébrant la nature, l’homme, ses sentiments nobles et ses idéaux, il a également abordé les questions de philosophie et de morale, s’efforçant d’améliorer les mœurs de l’époque par la force du verbe poétique. Il a été le premier, dans la poésie persane, non seulement à porter son regard sur l’homme, mais aussi à le placer au centre de son art : l’homme ordinaire, « terrestre », qui pense de façon simple et limpide.

Rudaki a excellé dans différents genres poétiques persans dont le rubaï ou le quatrain, le ghazal, la qasida, le qeta’, le masnavi et autres poèmes lyriques galants. Mais de toute son œuvre, il ne subsiste que la qasida « La mère du nectar » et une quarantaine de quatrains. Le reste est constitué de fragments d’œuvres panégyriques, lyriques et didactiques, notamment du poème « Kalîla et Dimna » et de cinq autres textes.

Après avoir servi plus de 40 ans à la cour samanide, le poète est tombé en disgrâce, vers la fin de sa vie. Et comme on sait qu’il est mort aveugle, d’aucuns pensent qu’on lui aurait crevé les yeux avant de le bannir de la cour. Il a passé le reste de ses jours dans le dénuement. Il est mort en 941 à Pandjroud, son village natal.

Faute du temps, nous devons quitter les rivages de l’Oxus et interrompre, bien sûr momentanément, ce voyage qui nous a fait remonter les dédales de l’histoire, sur la terre d’Iran. Nous continuerons notre itinéraire dans la prochaine édition du magazine littéraire. Soyez donc nombreux à nous y accompagner, merci et à très bientôt.

 

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