Oct 09, 2021 04:34 UTC

Il y a 800 ans, un poète issu de l’Iran s’est fait le chantre de l’amour mystique, appelant le monde entier à l’amour, à la clémence. Figure de proue de la poésie persane et de la gnose islamique, Jalâl al-Din Mohammad Balkhi, connu, aussi, sous les noms de Molana Rûmî et de Molawi ou le Maître, a relaté, à travers son œuvre monumentale, le récit de l’amour, le récit des effervescences des états mystiques. Chez lui, l’imagination poétique est devenue cet espace universel où l’âme s’élance des tr

Mais qui est Molawi ? Ce poète visionnaire, ce poète mystique, cet itinérant de la via illuminativa ?

Raconter cette vie unique qui, à l’image de son œuvre titanesque, nous fera pénétrer au cœur de son expérience spirituelle hors du commun, qui nous introduira dans les arcanes de son enseignement ; suivre dans les dédales de l’histoire les différents épisodes de cette vie, de la naissance à cette autre naissance qu’est la mort, en passant par la voie de l’ultime Rencontre, telle est l’ambition du magazine Molana, l'Itiniérant de la via illuminativa.

« L’homme est un arc dans la main de la puissance divine. Quel heureux et excellent arc est celui qui sait dans la main de qui il est ! », s’exclame Rûmî. Il nous permet de comprendre que c’est en ouvrant nos cœurs à l’omniprésence divine que nous recréons l’Union avec Dieu et que nous nous reconnaissons comme les vecteurs de Son Amour, de Sa Justice et de Son Harmonie… nulle identité pour l’humain que celle-là. Ce constat serait-il, peut-être, une réponse à la question que se pose l’auteur d’un article paru, il y a quelque temps, dans le Guardian.

« Cela paraît presque incroyable. Comment se fait-il que dans ce monde où on vous donne, en vrac, 11 septembre, Ben Laden et choc des civilisations, le best-sellers de la poésie aux Etats-Unis ne soit aucune des figures de proue de la littérature américaine ? Ni Robert Frost, ni Wallace Stevens, ni Sylvia Blot, ni même les grands classiques du panthéon européen, comme Shakespeare, Dante ou Homère, ne sont pas si lus que les poèmes d’un mystique musulman, un nommé Molana Rûmî, qui, des siècles plus tôt, enseignait la théologie. »

Oui, en effet, comment se fait-il qu’après la mort de Rûmî, son œuvre universelle soit connue partout dans le monde de l’Islam et, qu’en traversant les siècles, elle nous soit parvenue, sans perdre une once de sa fraîcheur et de sa profondeur, connaissant, aujourd’hui, cet immense succès international, auprès d’un public sans cesse renouvelé. Toujours d’après le Guardian, la traduction en anglais, par Coleman Barks, de l’œuvre de Molawi, a fait le tour du monde et s’est vendue à plus d’un demi-million d’exemplaires, et cela, sans compter les nombreuses traductions en d’autres langues !

Jalâl al-Din Rûmî, connu, aussi, sous le surnom de Mowlana, le Maître, naquit, le 30 septembre 1207, à Balkh, dans le Khorasan, à l’est de l’Iran. Son père, Baha al-Din Walad, est un théologien réputé, appelé Sultan ol-‘Olâma, le "Sultan des Savants". Sa mère était la fille du Gouverneur de Balkh. Vers 1212 (ou 1219, selon certaines sources), sa famille quitta Balkh, pour fuir l'invasion mongole de Gengis Khan. La ville sera, d'ailleurs, détruite, en 1220. Au cours des pérégrinations familiales, Mowlana rencontra, probablement, Farid al-Din Attar, à Nishapur, et Ibn Arabi, à Damas. Son père s'installa, enfin, à Konya, le 3 mai 1228, à la demande du Sultan, pour y diriger une école théologique. Konya, l'ancienne Iconium des Romains, était, alors, la capitale du Sultanat seldjoukide, et était devenue un centre culturel important. Son père décéda, à Konya, le 12 janvier 1231, et fut enterré dans le jardin de roses du sérail. Après la mort de son père, Mowlana compléta ses études, à Alep et Damas, où il fut disciple d'Ibn Arabi. Il apprit le grec et la philosophie de l’Antiquité. De retour à Konya, il fut le digne successeur de son père et prit la direction de l’école.

Cette vie bien réglée est bouleversée le 30 (ou le 15, selon les sources) novembre 1244, par la rencontre, à Konya, de celui qui sera son maître spirituel : Shams, dont le nom provient du mot persan "Soleil". Or, Shams avait annoncé qu’un jour, il disparaîtrait, sans laisser de traces, ce qui se produisit, en décembre 1247. Rûmî tenta, en vain, de le retrouver, allant même jusqu'à Damas. Molana Jalâl al-Din s’est éteint, en 1273, à Konya, à la suite d’une longue maladie. Sa dépouille mortelle fut inhumée, près de la tombe de son père, dans un lieu appelé Baq-e sultan ou le jardin du Sultan. On y fit ériger un monument connu sous le nom de Qobat ol-Khazra ou Coupole verte. Il rejoint son Dieu, pour cette rencontre à laquelle il avait tant aspiré : il parlait du jour de sa mort comme du "jour des noces".

La création poétique et les constructions des figures de style de Molana semblent être inséparables de l’imagination spatialisante, et sa puissance imaginative s’anime, à son tour, dans une relation intime avec l’expérience du mouvement corporel dans l’espace, s’alimentant de l’amour passionné pour l’Aimé idéalisé. Dans cet itinéraire, l’amour devient l’unique moyen de communication avec l’Universel, communication, dont la poésie mystique est l’expression, par excellence. Comme si l’âme de Molavi, tel le cœur d’un oiseau dans la cage, palpite d’impatience, pour briser les chaînes et s’envoler, libre et joyeux, dans les cieux. Parfois, le poète est incapable de maîtriser les pulsions de cette ferveur incommensurable et implose, la plume se brise sur le papier et l’encre coule.

La plume qui courait sur le papier
Se brisa dès qu’il arriva au mot amour
Le soleil fut la preuve du soleil
Si tu cherches une preuve
Ne te détourne pas du soleil

Poète des contes, Molawi a eu, lui-même, une vie, dont nombre de ses épisodes semble être tiré d'un conte. Il est, pourtant, bien difficile, dans un temps et un espace si limités, de parler de l’océan infini que représente Molawi et son œuvre, de ce grand mystique, dont le grandiose mouvement historique pèse de tout son poids, dans la culture et la littérature persanes, un sentier qui mène à l’auto-édification et à la connaissance de Dieu. Ce magazine relatera le plus grand conte que Mowlana ait signé, sa vie même.

A suivre...

 

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